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18Mai/16Off

L’idée de la liberté

L'idée de liberté pourra être introduite comme un moyen terme entre le phénomène et le noumène. L'idée de liberté étant en même temps une puissance, par cette idée l'homme est en possession actuelle de sa raison, qui descend alors, en quelque sorte, dans la série des phénomènes; par cette idée la «raison» est en même temps «nature». Il n'y a pas d'un côté le sensus sans l'intellectus, et de l'autre l'intellectus sans le sensus: les deux mondes, intelligible et sensible, semblent coïncider dans la conscience que l'être raisonnable a de lui-même et de son pouvoir, dans son idée active de l'activité même. Tout, dans le mensonge, «est expliqué et déterminé par les antécédents du menteur»,—dit Kant; mais dans ces antécédents mêmes, ajouterons-nous, il faut compter l'idée de la liberté et l'action motrice de cette idée, dont l'intervention peut suspendre ou faire dévier le cours antérieur des causes naturelles. Pour prédire les actions par leurs conditions phénoménales, il faut donc aussi calculer l'intensité de cette idée. Si le tort des naturalistes est de ne pas voir que, parmi les forces naturelles, se trouve l'idée de liberté, le vrai tort des idéalistes n'est pas de croire à la puissance des idées, mais au contraire de n'y pas croire encore suffisamment. En refusant à l'idée de liberté la puissance de produire un effet de plus en plus conforme à elle-même, de se réaliser au moins partiellement et progressivement comme les autres idées, ils s'arrêtent à moitié chemin dans leur idéalisme. Kant a admirablement défini la volonté en l'appelant: la propriété d'être cause par ses idées de la réalité des objets de ces idées mêmes. Dans cette définition, il semble avoir en vue la puissance déterminante des idées, qui réalisent leurs objets dans la conduite. Allons jusqu'au bout de cette définition et nous pourrons dire aux idéalistes:—Puisque j'ai, selon vous, la propriété de produire par mes idées les objets de ces idées, je dois avoir la propriété de produire, par l'idée subjective de ma puissance libre, la réalité au moins partielle de cette puissance même. Donc, du déterminisme la liberté tend à surgir; donc, de votre point de départ subjectif il n'est pas absolument impossible de passer à un effet objectif; donc, de ce que vous appelez la raison sort la volonté, et c'est surtout en ce sens qu'on peut parler avec Kant d'une raison pratique par elle-même.

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